Treasure the Obscure - Lara

Nom : Kasabian
Prénom : Lara
Sexe : Femme
Nationalité : Russe
Lieu de naissance : Saint Petersbourg
Statut Civil : Célibataire



De passage.

Comme ces majestueux rapaces migrateurs qui remontent le monde à contre vent.

Mystérieuse pour ne pas mystique voyageuse Russe. Nombreux sont ceux au village à la regarder avec méfiance : « sûrement une espionne du KGB ». Elle en sourit, elle en rigole, avec un soupçon de dédain splendide. Mais non – n'en déplaise à son français teinté d'un accent digne d'une James Bond girl – elle n'est qu'une photographe. Qu'une artiste de passage à la Villa.

Sur les marchés complexes et éphémères de l'art moderne sa cote a explosé. Carrière comme un météore où certains spéculateurs la voient déjà jouer des coudes avec un Banksy passé de mode. Il faut dire qu'elle a su soigner son personnage. Ou plutôt son absence de personnage. Secrète, évanescente. Ni interviews, ni apparitions publiques. Juste son art que parfois elle laisse éclater au visage des internets avant de disparaître à nouveau pour mieux se renouveler. Il y a là quelque chose d'un peu magique, de fascinant et terrifiant à la fois.

Et parlons en de son art.

De cette obsession pour le noir.

Le noir n'est pas une couleur. Il est absence. Et c'est cette absence, cette énergie de la non présence qu'elle cherche à immortaliser. Ne pas voir, mais sentir, ressentir, toutes ces ondes, toutes ces auras, ce bourdonnement de forces quantiques qui sommeille au plus profond de l'obscurité. Là où il n'y a rien, il y a possibilité et potentiel. Comprendre le Noir, c'est frôler du bout des doigts la perception de l'infini.

Le grand vertige nietzschéen. L'appel entêtant que toute personne ressent lorsqu'il se penche au dessus d'un gouffre insondable.

Mais alors pourquoi la Bretagne ?

A cause de l'océan. De cette vaste force mouvante dont la couleur d'ardoise profonde se confond avec le ciel. Saviez vous que plus de personnes étaient allées sur la lune que dans les failles océaniques ? Qu'il y a là bas, tout au fond, à des milliers d'atmosphères de pression, de véritables continents, d'immenses chaînes de montagnes,  et surtout un univers entier et parfaitement inconnu qui jamais ne voit, ni ne verra, la lumière du soleil.

Vivre en bord de mer, c'est – avec plus de confort – faire comme ces alpinistes des massifs himalayens qui plantent leurs duvets à flanc de falaise.

Lorsque vous vous levez et que vous regardez les vagues devant vous, il n'y a que du vide à perte de vue. Un vide immense, puissant, entêtant. Celui de ces cassures océaniques, lorsque brusquement le fond de l'océan plonge a pic de plusieurs kilomètres. Jusque dans les ténèbres. Là où il n'y a rien.

Et donc tout.

Si Lara n'était pas si talentueuse, elle aurait été internée depuis longtemps. Mais voilà, dans sa famille l'argent n'a jamais manqué. Ce qui lui laisse toute latitude pour arpenter le monde.

Hier elle était au nouveau Mexique, à écouter ces grandes antennes qui projettent leurs faisceaux radios à travers l'univers. Avant hier elle était au Cern, à Genève, où munie de lunettes de protection elle admirait la violence d'une réaction d'antimatière.

Et aujourd'hui elle est en Bretagne.

Pour un jour comme pour une vie entière.

Elle s'en fout. Elle n'a pas encore décidé.

Parce qu'il y a l'océan. Immense. Froid. Sombre. Violent. Vertigineux. Entêtant. Lugubre.

Au moins une fois par jour elle s'y baigne. Et chaque fois elle s'éloigne plus du rivage au risque de se faire entraîner par les courants d'Iroise. Mais elle aime, adore, cette sensation de nager au dessus d'un précipice, de se dire que dessous il n'y a rien. Juste ces vastes, noires, sombres et rocailleuses falaises océaniques qui s'enfoncent sans fin dans le néant. Le frisson en est glaçant et terrifiant. L'impression d'être un oiseau, de voler et de n'être qu'à un battement d'aile de la chute, du grand plongeon, de la disparition. Ne faire qu'un avec l'obscurité.

-Lara ? Tu rêves ?
-Non je t'écoute.
-Tu rappelle ce que je t'ai dit sur le fait de boucher ses sinus et d'utiliser sa langue pour égaliser sa pression ?
-Oui, oui...
-Si tu ne le fait pas. Tu sais ce qui va arriver ?
-La pression va me déchirer les tympans. Me faire éclater les poumons. Je sais. Ce n'est pas la première fois que je fait de l'apnée.
-Tu as réglé ta montre ?
-Oui. 50 mètres.
-Lorsque tu arrives en bas, qu'est ce que tu fait ?
-J'ouvre le robinet d'air de la bouteille pour remplir le ballon et je m'accroche à la tringle pour me laisser tirer vers le haut.
-Tu as déjà entendu parler de portance négative.
-Oui. C'est cette profondeur à partir de laquelle la pression est telle qu'elle annule la loi de flottaison d’Archimède.
-Ce qui veut dire ?
-Ce qui veut dire que si j'oublie de gonfler le ballon, la pression va m’entraîner au fond.

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Lara avait déjà fait de l'apnée mais c'était la première fois qu'elle utilisait une gueuse.

Une gueuse c'est un appareillage de poids de plombs attachés à une ligne de fond. Lorsqu'on le libère, il tombe en emportant avec lui le plongeur. La descente en est ainsi extrêmement rapide. Presque de la chute libre. Arrivé en bas, le plongeur n'a qu'à ouvrir une vanne pour gonfler un ballon d'air et se laisser tirer vers la surface.

Sur le papier, le système est génial. Une sorte d’ascenseur des grands fonds. Mais dans la réalité c'est responsable de bien plus de morts que du saut en parachute. Parce que là où vous descendez personne n'ira vous chercher.

D'abord il y a un choc. Bruit sourd étouffé par l'eau.

Et puis d'un coup les poids se mettent à couler. A toute vitesse.

La sensation est terrifiante. Il ne s'agit ni de couler ou de plonger. C'est plutôt comme si Lara était happée. L'image d'une grande main froide remontée des profondeurs pour la tirer par les pieds. Brutalement.

Elle a fermé les yeux. Ainsi l'impression d'éternité n'en est que plus prenante. En esprit elle s'imagine la surface décroître. Disparaître. Juste une fenêtre de lumière, de plus en plus restreinte, qui finit par se refermer complètement. Et la chute continue. De plus en plus vite. De plus en plus bas. Tout son corps voudrait se rebeller. Elle sent une pointe de panique lui titiller le cortex reptilien. La terreur de la noyade est quelque chose d'inné, de naturel et de partagé par l'ensemble du règne mammifère.

Elle doit se calmer.

Se concentrer sur les battements de son cœur, sur le vrombissement de la corde entre ses doigts, sur les changements de température de ces couches d'eau qu'elle transperce.

Et puis un choc.

Un tintement.

Et le silence.

Ce silence immense qui s'étire au delà de ses sensations.

Prudente elle ouvre les yeux. Rien. La lumière de sa lampe de plongée n'éclaire qu'un petit cercle autour d'elle. Au delà les ténèbres sont colossales. Monstrueuses. Insondables. Elle est arrivée au bout de la corde. Cinquante mètres de profondeur. Et pourtant elle n'est pas au fond. Mais seulement suspendue au dessus du vide. Dessous c'est la cassure océanique. C'est l'abysse. Est ce la sensation qu'un astronaute partage lorsqu'il fixe l'espace lors d'une sortie orbitale ?

Elle en a les entrailles glacées d'angoisse. Le noir.

Le noir.

Il est là.

Alors doucement elle relâche la corde et tente une première brasse maladroite. Et puis une seconde. Elle est ce petit oiseau des profondeurs qui apprend maladroitement à voler au dessus du néant. Un fourmillement d'excitation lui caresse l'échine. Ce gouffre qu'elle survole, qu'elle ressent de façon charnel. Elle l'habite et il l'habite à la fois. Elle est revenue à l'état de fœtus. Minuscule créature fragile qui flotte dans l'obscurité liquide, qui ne perçoit du monde que les profonds et rassurants battements du cœur maternel.

-Alors ? C'était comment ?
-Grand. Terrifiant.

Et il faisait tellement,

Noir.




un mot de derrière l'écran :

ton petit âge ? La trentaine
ton avis sur le forum ? Différent (un autre joueur disait OVNI et je partage l'avis), inspirant et cela fait du bien d'avoir un cadre aussi souple.
crédit de ton avatar ? Pinterest. Je sais plus. L'image trainait sur mon PC.
un petit mot de fin ? Cela fait plus d'un an que je n'ai pas écrit. Cela me manquait. J'espère que ce fofo sera le bon pour s'immerger à nouveau dans le RP.

c'est marrant comme l'obscurité offre autant de frisson que de beauté (ça me rappelle mes longues nuits à regarder des vidéos de "cave diving")
merci pour cette belle lecture
bienvenue parmi les insulaires, j'espère tout autant que tu t'y plairas par ici pour ton retour dans le RP  

Le forum est encore en construction, aussi ne sois pas étonné si tu vois apparaître des nouvelles sections par magie, des choses risquent d'être ajoutées dans les jours qui suivent  
Bien sûr tu peux déjà RP et si tu as la moindre question, hesite pas à la poser ici

tu peux aussi fureter du côté de la section gestion de personnage plein de trucs bien pratiques pour mettre le pied à l'étrier

c'est validé jolie muse !

Je plaide coupable aussi pour le cave diving !

Mais c'était moins sexy et charnel que l'apnée pour écrire !

Merci pour la validation et ce joli forum.